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Berne pénalise les plus faibles

De nombreuses entreprises ont eu une mauvaise surprise le mois
dernier. Le Conseil fédéral a décidé de relever le taux d’intérêt des crédits
covid. Celles qui bénéficiaient d’un taux zéro verront celui-ci passer
à 1,5% (prêts jusqu’à 500 000 francs). Celles qui payaient un taux
de 0,5% voient celui-ci quadrupler à 2% (prêts supérieurs à 500 000
francs). L’idée est de les inciter à rembourser leur dû plus vite.
Sur le plan juridique, rien à redire. La loi stipule en effet que le Conseil
fédéral doit adapter les crédits covid à l’évolution des taux du marché.
Or, ces taux ont augmenté.
Sur le plan politique, c’est une autre affaire. Tout le monde s’attendait
à ce que les taux augmentent un jour ou l’autre. On pensait cependant
que le Conseil fédéral consulterait les milieux économiques au
préalable, et laisserait aux emprunteurs un peu de temps pour se
préparer. Cela n’a pas été le cas. La nouvelle a été annoncée le 29
mars et est entrée en vigueur deux jours plus tard. Tout le monde a été
pris de court.
De plus, la mesure cadre mal avec ce qu’avait annoncé le Conseil
fédéral. «Une hausse du niveau des taux serait à prévoir plutôt en cas
de forte croissance de l’économie nationale», déclarait-il en avril 2020
en réponse à une motion.
Or, si l’économie suisse a effectivement connu une croissance de 2,1%
en 2022, celle-ci peut difficilement être taxée de forte. D’autant plus
qu’elle est très inégalement répartie. Certains secteurs se portent à
merveille – c’est par exemple le cas de l’événementiel. D’autres ont
plus de mal à se remettre du covid – c’est notamment le cas de la
restauration.
Malgré la reprise de la demande, de nombreuses entreprises font
face à plusieurs difficultés: pénurie de main-d’oeuvre, perturbation des
chaînes logistiques, hausse des coûts de l’énergie, des matières premières,
etc. Les marges en souffrent, car
il n’est pas toujours possible de répercuter
les hausses de charges sur les clients.
Or, c’est précisément dans les secteurs
concernés que beaucoup d’entreprises
n’ont pas encore remboursé leurs crédits
covid. Dans l’hôtellerie-restauration, seul
un quart l’a fait, contre 40% des emprunteurs
tous secteurs confondus.
En leur ajoutant une nouvelle charge,
le Conseil fédéral pénalise les entreprises
les plus fragiles. Il veut les inciter à rembourser
les prêts plus vite, mais leur rend
plus difficile de le faire. C’est le serpent
qui se mord la queue.
Journal ER du 1er mai 2023
L'Opinion de Pierre Cormon, journaliste
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